Vidéo: Remplacer un gène par un autre, la Nouvelle Technique "CRISPR/Cas9"
Cette technique de "retouche génétique" est désormais incontournable... et toujours aussi imprononçable : "CRISPR/Cas9". Grâce à elle, les généticiens peuvent cibler une zone précise de l'ADN d'une cellule, la découper et, éventuellement, y substituer un autre fragment d'ADN
Au commencement : des bactéries particulièrement résistantes au virus...
De nombreuses méthodes ont été imaginées (et expérimentées) pour remplacer une portion d'ADN par une autre, au cœur d'une cellule. Mais depuis quelques années, un procédé précis, rapide et surtout très économique, a vu le jour, supplantant peu à peu ses concurrents dans tous les laboratoires de la planète.
En 1987, des chercheurs japonais étudiant des bactéries de type Escherichia coli observent que celles-ci présentent, dans leur ADN, de longues séquences de molécules "en palindrome" (c'est-à-dire que leur enchaînement est identique que l'on parte d'une extrémité ou de l'autre, comme pour les lettres des mots kayak ou ressasser). La découverte suscite, soyons franc, assez peu d’intérêt. Il faudra attendre dix-huit ans avant que des biologistes découvrent que ces segments sont des inserts d'origine virale.
En 2007, des chercheurs européens révèlent que les bactéries porteuses de ces transformations résistent mieux que les autres aux infections virales. Il faudra attendre encore quelques années pour comprendre les grandes lignes de ce mécanisme : la protéine synthétisée à partir d’un "segment palindrome" (nous le nommerons CRISPR) se lie à une enzyme capable de sectionner l’ADN (c'est l'enzyme Cas9). Si un virus injecte dans la cellule du matériel génétique présentant une portion complémentaire à notre CRISPR, celui-ci vient s'y accoler... et l'enzyme y opère une découpe franche. L'ADN viral est brisé, la menace neutralisée.
Quelques généticiens se sont alors pris à rêver… Etait-il envisageable d'accoupler à l'enzyme Cas9 autre chose qu'un "détecteur de matériel génétique viral" ? Par exemple, du matériel génétique humain, correspondant à des gènes mutés responsables de maladies ?
Facile à dire… et - pour peu que suffisamment de chercheurs s'arrachent les cheveux pour définir le bon protocole expérimental pendant environ cinq ans – facile à faire ! En 2012, les chercheuses Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna relèvent le défi [1]. Dans une éprouvette : la partie "détecteur" s'apparie avec l’ADN cellulaire, et guide la partie Cas9, qui sectionne !
L'ADN est rapidement réparé par divers mécanismes cellulaires usuels, l’élément manquant se trouvant remplacé par une séquence aléatoire. C'est simple, précis, rapide efficace… Le génie génétique peut entrer dans une nouvelle ère.
Depuis 2013, plus de 1.500 études recourant à CRISPR/Cas9
En 2013, se succèdent des publications scientifiques annonçant l'éradication de gènes portant des mutations délétères, dans des cellules cultivées en laboratoire. L’expérience réussit également in vivo, notamment sur des mouches et des poissons zèbres. L'année suivante, des chercheurs chinois annonçaient avoir modifié la cellule née de la rencontre d'un ovule et d'un spermatozoïde de macaque avec cette technologie. Après de nombreux essais, 29 embryons ont été insérés dans l’utérus de femelles macaques, l’expérience se concluant par la naissance de jumeaux chez lesquels une partie des gènes ciblés (deux sur trois) avait efficacement été éliminée.
"...En avril 2015, des scientifiques chinois annonçaient avoir réalisé la première modification génétique d'embryons humains (non-viables). Une frontière éthique a ici été franchie, qui a suscité énormément de réactions et de commentaires..."
Le mois suivant, des chercheurs du Massachussetts Institute of Technology utilisaient le procédé "CRISPR/Cas9" pour guérir des souris adultes d'une anomalie génétique rare touchant le foie, la tyrosinémie. Les biologistes ont ici modifié un petit nombre de cellules hépatiques anormales qui, une fois "corrigées", ont proliféré en proportion suffisante pour cesser de traiter les animaux malades.