ADN TUMORAL CIRCULANT POUR LE SUIVI DES PATIENTS
En savoir plus sur un cancer, son évolution, la réponse au traitement ou son éventuelle rechute grâce à une simple prise de sang est déjà une réalité pour certains cancers. Les spécialistes de l’Institut Curie cherchent à étendre les localisations tumorales qui pourraient en bénéficier.
Dès qu’une tumeur est présente dans l’organisme, des fragments ADN tumoral circulant (ctDNA) ou des cellules tumorales circulantes (CTC) disséminent et se retrouvent dans le sang. "Elles sont porteuses d’un grand nombre d’informations utiles pour le suivi du patient. Toute la difficulté consiste d’une part à les détecter et d’autre part à déterminer leur signification", explique le Dr François-Clément Bidard, oncologue médical à l’Institut Curie, spécialistes de ces biomarqueurs circulants. Car le ctDNA ou les CTC ont de quoi séduire : accessibles par une simple prise de sang, ils renseignent sur la nature du cancer, la progression tumorale, la réponse au traitement.
Cancers du sein triple négatif : évaluer la progression grâce au ctDNA
Aujourd’hui, c’est dans les cancers du sein triple négatif que l’intérêt de la détection du ctDNA a été évalué par François-Clément Bidard et ses collègues de l’équipe SIRIC Biomarqueurs Tumoraux Circulants, co-dirigée par le Pr Jean-Yves Pierga, chef du département d’Oncologie médicale, et Charlotte Proudhon, à l’Institut Curie. Ces cancers représentent 10 % à 20 % des cancers du sein et sont souvent associés à un mauvais pronostic car ils ne sont ni sensibles à l’hormonothérapie, ni aux thérapies anti-HER2. Ils se caractérisent par ailleurs par une forte propension à disséminer pour former des métastases. Chez les patientes diagnostiquées pour un cancer du sein triple négatif sans métastase manifeste, une chimiothérapie dite néo-adjuvante peut être proposée avant la chirurgie dans un double objectif :
- réduire la taille de la tumeur ;
- détruire les cellules tumorales qui auraient potentiellement commencé à disséminer dans le corps.
"Nous avons évalué la quantité de ctDNA dans le sang à différentes étapes de la prise en charge chez ces patientes, cette détection étant faite de manière personnalisée, adaptée au profil mutationnel de chacun des cancers, développe le médecin-chercheur. Pendant la chimiothérapie, on observe chez presque toutes les patientes une diminution du ctDNA. Après la chirurgie, il n’est plus détectable. Les patientes qui avaient une cinétique de décroissance plus faible du ctDNA ont présenté plus de rechutes métastatiques au cours du suivi." Bien que des études additionnelles soient nécessaires pour clarifier les liens entre le taux de ctDNA et la réponse à la chimiothérapie, la recherche du ctDNA semble un indicateur possible de la réponse au traitement et des risques d’évolution immédiate.
Cancer pelvien : détecter les rechutes grâce au ctDNA
Une grande majorité des cancers du col de l’utérus et du canal anal, deux types tumoraux au cœur de l’expertise de l’Institut Curie, est liée à l’intégration de certains papillomavirus (HPV) dans le génome des cellules tumorales. En conséquence, le ctDNA-HPV apparaît comme un marqueur idéal, sur lequel Emmanuelle Jeannot, du Pôle de Médecine diagnostique et théranostique de l’Institut Curie, travaille depuis plusieurs années. Dans ce contexte, un Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) vient d’être financé par l’Institut national du cancer (INCa) sur un projet déposé François-Clément Bidard. Son but : évaluer la possibilité d’identifier les rechutes chez des patients déjà traités pour un cancer pelvien lié à HPV. Cette étude coordonnée par l’Institut Curie sera conduite dans le cadre des groupes digestifs –avec comme investigateurs le Dr Wulfran Cacheux sur le site de Saint-Cloud et le Dr Bruno Buecher sur le site de Paris– et gynécologiques – Pr Roman Rouzier et Dr Virginie Fourchotte, avec la participation de plusieurs centres hospitaliers universitaires français.
"Non invasive et peu chère, cette technique pourrait compléter utilement le suivi actuel, précise Emmanuelle Jeannot. Les patients inclus dans l’étude CirCA-HPV auront en parallèle de leur suivi biologique et radiologique classique une prise de sang à chaque visite à l’hôpital." L’objectif est d’évaluer les performances du ctDNA-HPV par rapport aux caractéristiques clinico-biologiques des patients, d’étudier le temps moyen entre l’élévation du ctDNA-HPV et le diagnostic clinique de rechute. "Seul ce type d’étude permettra de tester de manière fiable les approches de biopsie liquide, très prometteuses", déclare François-Clément Bidard. A terme, si la validité du ctDNA-HPV se confirme, sa recherche pourra améliorer la qualité du suivi actuel des tumeurs pelviennes liées à HPV tout en en diminuant la « lourdeur ». Et ce n’est là qu’une des nombreuses possibilités offertes par ce biomarqueur. D’autres études devraient rapidement voir le jour, notamment sur le suivi précoce de l’efficacité thérapeutique chez les patients en cours de radio-chimiothérapie.
En savoir plus
Riva F, Bidard FC, Houy A, Saliou A, Madic J, Rampanou A, Hego C, Milder M, Cottu P, Sablin MP, Vincent-Salomon A, Lantz O, Stern MH, Proudhon C, Pierga JY.
Clin Chem. 2017 Jan 10. pii: clinchem.2016.262337. doi: 10.1373/clinchem.2016.262337.
Circulating human papillomavirus DNA detected using droplet digital PCR in the serum of patients diagnosed with early stage human papillomavirus-associated invasive carcinoma.
Jeannot E, Becette V, Campitelli M, Calméjane MA, Lappartient E, Ruff E, Saada S, Holmes A, Bellet D, Sastre-Garau X.
J Pathol Clin Res. 2016 Jun 28;2(4):201-209. eCollection 2016