Analyses médicales: Les premiers kits moléculaires 100% marocains bientôt sur le marché
Les équipes de Mascir lancent un produit performant à des prix défiant toute concurrence
Le laboratoire ambitionne de révolutionner les technologies de diagnostic
Cancer, hépatite C, tuberculose, leucémie… les maladies concernées
Le développement de ces kits permettant de «mieux diagnostiquer les maladies et assurer un suivi précis du traitement» est en phase avec les dernières évolutions du secteur, devant aboutir, à terme, à la mise en place d’une véritable médecine personnalisée.
Au coin d’une ruelle de la cité Al Irfane à Rabat, un bâtiment imposant se dresse telle une forteresse. Occupé il y a quelques années par la société ST Microélectronics, il s’est transformé entre temps en véritable temple de la recherche scientifique. «Ici, nous ne faisons pas de la recherche fondamentale, mais plutôt des activités de R&D», prévient le docteur Abdeladim Moumen. Après plus de 16 ans à l’étranger, où il a mené des recherches dans des laboratoires prestigieux, notamment en Angleterre, il est rentré et a rejoint il y a quelques années le noyau dur des chercheurs de la Moroccan Foundation for Advanced Science, Innovation & Research (Mascir). Ce bâtiment a été récupéré par la Fondation OCP, qui l’a mis à la disposition des équipes de Mascir, pour y installer des laboratoires de biotechnologie. A l’intérieur, une véritable fourmilière. Des jeunes chercheurs en blouses blanches s’activent. A droite, le département dédié aux «produits verts». Un labo où les recherches portent sur le développement du bio-diesel, l’exploitation des micro-algues… A gauche, les locaux qui abritent l’équipe du docteur Moumen, qui, elle, est spécialisée dans «les produits rouges». Il s’agit d’une catégorie particulière de biotechnologie, liée au domaine de la santé. A l’international, les techniques de séquençage de l’ADN sont à l’origine d’une véritable révolution dans le secteur de la médecine. A l’intérieur du laboratoire, l’équipe est composée de jeunes chercheurs marocains. Ils ont déjà à leur actif plusieurs brevets inscrits en leur nom et une série de publications scientifiques.
Les efforts qu’ils ont menés ces dernières années ont été récemment récompensés. Les kits de diagnostic pour détecter et quantifier les maladies, créés par Abdeladim Moumen, à la tête de ce laboratoire, ont remporté le 1er prix de l’African entrepreneurship award, parrainé par BMCE Bank for Africa. Une consécration morale, mais aussi financière. Un chèque de 150.000 dollars a été remis au patron de Moldiag, une start-up créée par le docteur Moumen, en vue de pouvoir produire et commercialiser ses kits. Ces petits boitiers vont révolutionner le secteur des analyses médicales au Maroc. «Ils sont destinés à la réalisation de tests moléculaires», explique ce chercheur. Ils permettent de «mieux diagnostiquer les maladies et assurer un suivi précis du traitement». Résultat: le médecin pourra s’assurer si le traitement prescrit à son patient est efficace et suivre l’évolution de la maladie. Différents kits ont été mis au point, permettant de détecter plusieurs types de maladies. Il s’agit notamment de l’hépatite C, le cancer du sein, la leucémie, la tuberculose, le cancer de prostate… Par exemple, un kit permet de définir exactement quel type de cancer est présent dans l’organisme, grâce à des «typages tumoraux». Certains de ces boitiers utilisent des techniques qui seront introduites pour la première fois sur le marché. C’est le cas de celui destiné au diagnostic du cancer du sein. D’autres fonctionnent avec des techniques existantes, mais avec de meilleures performances. Par exemple, «le test actuel de la tuberculose nécessite 4 semaines avant d’avoir les résultats. Pendant cette période, le médecin prescrit un traitement dont il n’est pas sûr de l’efficacité. Avec ce nouveau kit, le verdict est rendu au bout de 45 à 60 minutes», explique le patron de Moldiag. Les avantages de ces activités de R&D sont aussi liés à des questions d’ordre moral, financier. Actuellement, plusieurs tests ne sont pas effectués au Maroc. Les échantillons des patients sont envoyés par les laboratoires locaux pour être diagnostiqués à l’étranger. «Cela pose un problème en termes de sécurité de nos données génétiques», met en garde ce scientifique. Un sujet épineux, qui renvoie à la relation dialectique liée aux évolutions technologiques face aux exigences éthiques, suite aux craintes liées aux impacts de la manipulation du génome. Les laboratoires qui réalisent des tests sur place sont obligés d’importer les kits de l’étranger. Cela prend généralement plusieurs semaines, faute de représentants locaux des grandes marques. «En proposant des produits à la pointe de la technologie, développés localement, le Maroc va éviter la sortie de grandes sommes de devises», estime Abdeladim Moumen. Il promet également des produits low-cost. «Actuellement, les kits de l’hépatite C sont acquis par l’Institut pasteur entre 300 et 600 DH. Ceux que nous allons produire seront commercialisés entre 100 et 200 DH», annonce-t-il.
Un test utile pour les régions reculées
Le laboratoire de biotechnologie relevant de la Fondation Mascir se penche sur l’élaboration d’un nouveau kit de diagnostic. Il est le résultat d’une coopération entre les départements de biotechnologie et de microélectronique. Ce boîtier, encore au stade de prototype, permet d’obtenir les résultats du test de la tuberculose sur un smartphone. Une innovation qui peut s’avérer utile dans les régions reculées, où la présence des laboratoires conventionnels est très rare. D’autant plus que la batterie utilisée offre une autonomie de 3 jours.